Les Corbières, un poème, des légendes portées par les vents et partout la lumière du soleil qui réchauffe et sèche ces paysages de roc, de petites vallées ensoleillées, de combes ombragées et d’alpages, comme autant de surprises pour le voyageur…

A l’ouest, les Corbières des poètes… et des rois

De part et d’autre du mont Alaric s’étale une partie des Corbières. Vous y rencontrerez des collines culminant en moyenne à 400 m d’altitude, recouvertes de garrigue et de pinèdes et entrecoupées de plaines viticoles. Si l’Alaric est sa limite nord, le plateau de Lacamp clôture ce territoire, à l’ouest, avant de vous inviter sur les hautes terres des Corbières, en remontant le cours de l’Orbieu.

L’Orbieu, affluent de l’Aude, traverse ce territoire. Elle prend sa source à Fourtou et entaille le plateau de Mouthoumet de gorges spectaculaires. Pendant de nombreux siècle, elle a accueilli sur ses rives les chants des Mitounes, fées lavandières au battoir d’or et les infatigables moulins, de Mouthoumet jusqu’à Luc-sur-Orbieu.

Sur cette partie des Corbières, elle se fait tantôt tranquille, comme à Lagrasse où ses eaux vous offriront en été, une belle pause baignade (surveillée) ou plus capricieuse et tumultueuse à Ribaute. Après Fabrezan, elle coule tranquillement vers la plaine de l’Aude. Mais attention, comme tous les ruisseaux et rivières des Corbières, n’oubliez pas qu’un simple filet d’eau peut se transformer en vague dévastatrice l’instant d’un orage.

Sur ces terres occidentales, le climat méditerranéen est bien marqué même si la sècheresse estivale est moins prononcée que dans la partie plus orientale où apparaissent les premières hêtraies. Ce massif assure la transition entre les chaînons les plus littoraux et la partie plus montagneuse dite des Hautes Corbières.

Par la diversité de la végétation et le relief peu élevé mais marqué de barres rocheuses, ce territoire offre de nombreux habitats favorables à certains oiseaux d’intérêt communautaire tels que l’Aigle royal ou l’Engoulevent d’Europe.

Sur la commune de Lagrasse, deux randonnées vous inviteront à la découverte des pinèdes (cyprès/cipressièrs, pins/pins, cèdres/cèdres), prodiguant une ombre bienvenue par les fortes chaleurs de l’été. A vous de choisir entre les fesses ou le pied de Charlemagne… nom qui vient de l’ignorance d’un employé du cadastre de la langue occitane. Il transforma l’indication géographique « faissas » qui signifie cultures s’étageant à flanc de coteaux en fesses, mot bien français n’ayant rien à voir et ainsi naquit la légende…

Lagrasse depuis le Roc de la Cagalière
LE PIED DE CHARLEMAGNE – Lagrasse depuis le Roc de la Cagalière

Le GR36, de l’Alaric à Lagrasse.

« Quand Laric porta capèl, pren-te garda pastorèl »
Quand les nuages couvrent l’Alaric, berger, rentre vite ton troupeau.

Sur les pentes de l’Alaric, montagne des poètes et des rois, le GR36 rencontre la randonnée du Roc Gris qui vous ramènera vers Moux, village abritant la tombe monumentale de Henry Bataille, qui était pour Louis Aragon, l’auteur du plus beau vers de la langue française et pour Marcel Pagnol un auteur incontournable de son temps.

Après la descente du signal de l’Alaric, point culminant du massif à 600 m d’altitude, le GR36 traverse les communes de Camplong, Ribaute et Lagrasse. Là il frappe aux portes du Val de Dagne. N’hésitez pas à découvrir l’étonnant sentier sculpturel de Mayronnes, peuplé de créatures étranges qui seront vos compagnons de voyage.

Les Hautes Corbières, entre forêts et alpages

Les Hautes Corbières s’étendent du Plateau de Lacamp à la plaine du Mont Tauch. Cette zone est elle-même extrêmement diverse et pleines de surprises, entre climats océaniques et méditerranéens, mâtinés par la géographie de montagne.

Une ligne climatique existe en suivant les villages de Dernacueillette, Laroque-de-Fa et Vignevieille qui correspond d’ailleurs à la limite de la pousse de l’olivier.

Laroque de Fa
Laroque de Fa

A l’ouest les Corbières océaniques, plus humides et à l’est les Corbières méditerranéennes, plus sèches. En outre l’altitude du plateau de Mouthoumet (550 m) lui confère un climat plus froid et il n’est pas rare d’y rencontrer la neige en hiver. Sur ce plateau et au-delà, vous serez séduits par les landes couvertes de pelouses.

Les belles prairies de Bouisse, que vous pourrez appréhender lors de la randonnée L’alpage des Corbières, consacrent le caractère pastoral de ce territoire.

A Salza, les éleveurs bovins rejoignent à la longue tradition d’élevage ovin et caprin. C’est dans cette zone dont vous pourrez mesurer la vocation forestière, que d’importants reboisements ont eu lieu : pin noir/pin negre, cèdre/cèdre, épicéa/fals avet et pin sylvestre/pin roge et feuillus, hêtres/faus, châtaigniers/castanhs et partout domine le chêne vert/ausina. A Albières, vous découvrirez les derniers étages de la grande forêt domaniale de Rialsesse, à travers la randonnée De branche en branche ; tandis qu’à Massac flânez dans la forêt domaniale de l’Orme mort/l’Òlme mòrt sur les pentes du Milobre, en suivant le GR36 vers le col de Cedeilhan. Vous quitterez alors les Corbières de montagne pour vous réconcilier avec la Méditerranée.

autour de lanet

Les Haute Corbières sous l’influence de la Méditerrannée

A Rouffiac-des-Corbières, pénétrez sur le vaste terrain de jeu des sangliers. Le relief est varié et très chaotique ; pays de Pechs et de gorges, de collines et de coteaux, et les garrigues, maquis et pinèdes, battues par le Cers et le Marin. Les massifs montagneux se couvrent de bois et de sous-bois denses : buis/bois, chêne-kermès/garrolha, lentisque/lentiscle, lavande/aspic, ciste blanc/moja blanca, genévrier/cade, bruyère/bruga …Le climat méditerranéen y domine partout sauf à Rouffiac-des-Corbières, car l’olivier/l’oliu n’y pousse pas.

Si l’on suit le GR36 vers le sud, il cherche à s’évader vers le Fenouillèdes mais avant il rejoint le Sentier Cathare à Duilhac-sous-Peyrepertuse. Si vous souhaitez prendre la mesure de ce paysage méditerranéen gravissez les pentes du château de Peyrepertuse pour un voyage inédit sur ce vaisseau minéral.

Le chateau de peyrepertuse

Vous découvrirez alors au sud-est un autre phare minéral, le château de Quéribus, vigie patiente du haut de laquelle (728 m) vous découvrirez enfin la Méditerranée.

Après Cucugnan, les gorges du Verdouble offrent un relief acéré au-delà de Padern. Elles conduisent à la plaine viticole de Tuchan. Cette zone connaît un fort dénivelé de 136 m à Paziols, jusqu’à 917 m pour le Pech de Fraysse sur le Mont Tauch, qui surveille toute la plaine. Sur les flancs du Mont Tauch, la randonnée De Notre Dame de Faste à Ségure, vous entraînera sur les flancs de ce géant des Corbières, à la découverte de la chapelle Notre Dame, lieu insolite édifié par la vénération de marins.

le verdouble

Sur cette zone méditerranéenne, règnent la vigne/la vinha et l’olivier/l’oliu. Tout autour, des îlots de végétation au cœur des pierres et rocailles et des pinèdes. La garrigue arbore l’euphorbe (ou herbe des sorcières)/lachuscla-èrba de las bruèissas, l’aphyllante de Montpellier/bragalon, la coronille/coronilha, le genévrier cade/cade, le chêne kermès/garrolha, les cistes/mojas… Quant au maquis qui se développe sur sols siliceux et acides, il fait la part belle au chêne liège/siure, au ciste/moja, à la bruyère/bruga, à l’arbousier/arboç et à la lavande/aspic.

Les bosquets de chênes-verts/ausina clôturent ce paysage, que nous vous conseillons aussi de visiter au printemps, pour profiter de la profusion des couleurs et des senteurs : blanc, rose, mauve, bleu… et ce vert électrique qui manquera bientôt à l’approche des premières sècheresses, au moment où se réveilleront cigales/cigalas (que cantaràn sens pausa : Sega, sega, sega ! – qui chanteront sans arrêt Sega, sega, sega : moissonne donc !) et grillons/grelhs :

   

« Que cantaràn sens pausa : Sega, sega, sega ! »
Traduction : qui chanteront sans arrêt Sega, sega, sega : moissonne donc !

le château d’aguilar et le mont tauch

Suivons encore un peu, les pas des cathares après le château d’Aguilar, vers Durban-Corbières. Vous pénétrez progressivement sur les terres de la forêt domaniale des Corbières Orientales. Après un détour par Embres-et-Castelmaure, les ruines imposantes du château de Durban se dessinent au loin. Abandonnez le Sentier cathare qui rejoint la mer, et remontez vers le nord. Ces Corbières sont moins élevées en moyenne mais très sauvages. Et partout la vigne/la vinha qui s’écoule des coteaux et dans les plaines. Elles sont souvent accompagnées d’amandiers/los ametlièrs que vous découvrirez en fleurs dès le mois de février, pétales blanches cotonneuses qui annoncent les promesses prochaines du printemps…

Chanson de l’amandier
Dejós ma fenèstra
i a un ametlièr :
filha despulhada,
l’amètla trencada,
s’esmòu la flor blanca
al vent de febrièr,
la fuèlha afinada,
de cocut al pè.
Per dire polida
dirai d’avelana,
d’amors capitadas
dirai d’ametlons,
la man jos la fauda
lo jaç dins la bauca
es l’amètla tendra
coma los potons ;
l’amètla qu’espèra
dins son clòt de brèça
per d’autras sasons.
Se morís la vièlha
siás tu l’eiretièr
del flòc de ferratja
d’un sol ametlièr
que son ombra tèunha
cobrís son reiaume
e farà flors blancas
un autre febrièr.
Per dire caucanha
dirai d’avelana,
per dire ma lenha
d’un vièlh ametlièr.
Leon Còrdas

Traduction :
Chanson de l’amandier : Sous ma fenêtre est un amandier : fille dévêtue, l’amande cassée s’émeut la fleur blanche au vent de février, l’arbre à fine feuille, gomme sur son tronc. Pour dire jolie, je dirai noisette d’amours partagées les amandes vertes, la main sous la robe, un lit d’herbes folles c’est l’amande tendre comme les baisers. Mais attend l’amande au creux d’un berceau pour d’autres saisons. Quand mourra la vieille, tu hériteras du lopin qui porte un seul amandier dont l’ombre ténue couvre ce royaume, y viendront fleurs blanches en février prochain. Pour dire fortune, je dirai noisette, pour dire ma branche d’un vieil amandier.

Le cœur des corbières

C’est sur ces quelques notes de l’hymne occitan que se termine presque le voyage … en remontant dans le cœur des Corbières. Le relief très tourmenté offre aux VTTistes confirmés et aux marcheurs, un terrain de jeu idéal, entre garrigues et pinèdes… et toujours cette mer de vignes où pointent les petits villages pittoresques où l’on a l’impression, en été que le temps s’est arrêté. Parcourez les sentiers balisés de la Ronde au cœur des Corbières à la découverte des trésors et des secrets cachés des paysages.

Les âneries Cathares Villerouge-Termenès

Nos paysages se découvrent à pied ou à vélo. Mais, il n’est de meilleur moyen que celui ancestral de l’âne bâté. A Villerouge-Termenès ou à Quintillan, louez un âne pour parcourir les sentes de garrigues avec vos enfants.

Si vous êtes férus de géologie et que vous souhaitez comprendre la formation de l’étonnant synclinal d’Albas, parcourez la rando du Géologue sur les traces des premiers habitants des Corbières, des dinosaures, il y a près de 70 millions d’années.

Albas la rando du géologue
La Rando du géologue à albas

Le cœur des Corbières est méditerranéen ; l’été brûlant fait chanter grillons et cigales. Ce territoire n’en est que plus fragile et ne l’oubliez jamais lors de vos balades et escapades. Ces forêts et garrigues abritent de nombreuses espèces d’oiseaux protégés (Natura 2000) dont vous pourrez découvrir une partie des secrets en parcourant le sentier d’interprétation du Cirque de Viviès, à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse.

Enfin, rendez-vous à Lézignan-Corbières. L’impression générale qui se dégage de ce territoire, est celle d’une plaine tranquille, recevant les flots d’une mer de vignes, bravant çà et là quelques coteaux abandonnés à la garrigue et à la pinède. Ces Corbières s’élèvent en moyenne entre 200 et 300 m d’altitude. Toutefois, il ne faut pas se laisser endormir par le caractère tranquille de ce paysage. Il reste vigoureux et émaillés de barres calcaires comme La Roquelongue, l’écaille de Montbrun-Escales, dernier soubresaut des Corbières, ou de puissantes collines comme celles de Boutenac et du massif de Fontfroide, espace privilégié de développement de la forêt méditerranéenne.

Enfin, se promener dans les Corbières ou, simplement, poser une carte d’un coin du pays sous ses yeux, c’est immédiatement un voyage dans le temps, rappelant les activités des hommes et leurs rapports à la nature. La connaissance de l’occitan permet d’ajouter à la compréhension du territoire.

Prenons, au hasard, une carte du territoire : Pech de la Bade (oc : Puèg de la Bada ; colline élevée) La Frau (la frau : le ravin) ; La Jasse (la jaça : la bergerie) : L’Estagnol (l’estanhòl : le petit étang) : Laygalous (l’aigalós : l’endroit humide) ; Bentafarino (Venta farina : endroit exposé aux vents) ; la Soulane (la solana : versant exposé au soleil) ; la Roumanissièro (la romanissièra : endroit planté de romarin) ; Pradals (pradals : les prés) ; la Bouissière (la boissièra : endroit planté de buis) ; Malpas (mal pas : le passage difficile) ; la Turasse (la turrassa : la grande motte) ; la Gleizette (la gleiseta : la petite église) ; Ginestiès (ginestièr : endroit planté de genêts) ; Pas d’Endiale (pas d’endiala : passage difficile – anguille) ; Garrabous (garrabós : endroit avec des églantiers)…